All about me est une série de travaux conçue par Paolo Topy sur la base d’un désir de représentation autobiographique. A partir de là, l’artiste a érigé comme règles: la non représentation de son propre corps et de son visage afin d’éviter tout risque d’exhibitionnisme et/ou de voyeurisme, l’utilisation d’objets manufacturés issus d’une collecte opportuniste voire hasardeuse dans un environnement immédiat, qui est celui du quotidien - le sien mais aussi celui de son entourage proche -, une articulation simple et la plus spontanée possible privilégiant ainsi un geste premier, une action intuitive voire inconsciente. Comme pour tout projet artistique même mûrement réfléchi, l’exploration organisée et définie par le protocole de départ s’accompagne d’une part d’expérimentation riche de potentiels qui fonctionnent comme autant de perturbateurs. Ils viennent enrichir le propos préalablement établi. Au fil des images se profile aussi la construction d’une énonciation qui, étonnamment, échappe à la seule vision historique - forcément linéaire et rétrospective - perçu arbitrairement comme une suite cohérente d’évènements. Il ne s’agit pas d’un grand récit personnel qui prendrait une tournure quasi littéraire par l’entremise d’un ordre et d’une logique qui lui seraient propres mais plutôt d’une suite de petits récits correspondant chacun,de manière concrète , à une œuvre et dont la réunion forme simplement un corpus d’images à l’articulation potentiellement aléatoire. Nos découvrons dans cette nouvelle proposition de l’artiste la volonté, non pas de valoriser une histoire individuelle composée de parties liées et harmonisées entre elles mais plutôt celle d’en révéler la potentialité créative et l’exemplarité - somme toute ordinaire - comme métaphore sociale.
Cette suite d’images (qui sont autant de petits récits de vie) devient le lieu d’une expression du soi dans une souci de communication et de transmission aux autres, un outil de construction individuelle dans une démarche de projet, un moyen de reconnaissance et de valorisation d’un territoire, celui de l’intime par le truchement de la métaphore d’un contexte populaire et d’une époque de consumérisme et de loisir productrice de déchets en tout genre, particulièrement plastiques et ce, dans tous le sens de terme.
Dans le but d’escamoter sa propre image , le choix de Paolo Topy s’est porté sur un objet de substitution : un jouet, une figurine en plastique, un petit personnage pouvant faire office de marionnette une fois enfilée sur un doigt, un objet dérisoire à l’aspect grotesque, monstrueux. Ce parti pris trouve son origine dans le vécu même de l’artiste. En témoigne une photographie en noire et blanc de ces parents sur laquelle Paolo Topy a posé symboliquement ce Frankenstein miniaturisé le représentant. L’arrivée d’un enfant aux facultés autres dans un environnement familiale classique peut vite le faire passer pour un monstre ou lui laisser croire qu’il l’est. Ce premier geste plein d’humour, de dérision et de tendresse est la source de toute la série All about me. Le marmouset utilisé comme sujet est donc, pour l’occasion, la projection symbolique de l’artiste et permet par la création d’un lieu commun, le même phénomène côté regardant. Cette projection qui organise dans le même temps une certaine distanciation permet un basculement : la narration individuelle devient récit partagé et, par l’entremise d’un glissement savamment organisé, collectif.
Ce récit est, néanmoins, volontairement brouillé. Certaines combinaisons par leur aspect onirique construisent un récit qui, à l’évidence, semble inventé. Le doute voire le trouble s’installe. Se pose alors comme question de savoir où commence le récit historique et où commence le « roman » d’une vie.
Yves Peltier